Entrevue : Christophe Guy, Directeur Général, Polytechnique Montréal

Partenaire Publié le 22 août 2017 / Dernière mise à jour le 11 mai 2022

Bonjour Christophe Guy, quel est votre parcours ? Quelles relations Polytechnique Montréal entretient avec l’Auvergne-Rhône-Alpes ?

Je suis donc Christophe Guy, directeur général de Polytechnique Montréal. Ingénieur chimiste de formation, je me suis très impliqué dans les Entretiens Jacques Cartier. Français d’origine, j’ai effectué mon Doctorat à l’Ecole Polytechnique. Après mes études, je me suis orienté vers les entreprises privées, notamment dans le domaine du gaz naturel et du pétrole. Je suis professeur à Polytechnique Montréal depuis 1989. Cela fait presque dix ans que je dirige l’Ecole. J’ai découvert les Entretiens Jacques Cartier lorsque j’étais chargé de la Recherche, au début des années 2000. Les Entretiens nous ont permis d’établir des liens scientifiques et technologiques de recherche et de formation avec des institutions de l’autre côté de l’Atlantique. A travers les années, ces échanges ont conduit à beaucoup d’initiatives scientifiques et technologiques de recherche. Le succès des Entretiens a été possible, à mon sens, grâce à une relation politique très forte entre la ville de Lyon et la ville de Montréal, qui sont des soutiens importants, financiers mais surtout politiques. A ce soutien, s’ajoute l’entente entre le Québec et la région Auvergne-Rhône-Alpes, comme facilitateurs des échanges d’étudiants notamment. Ces deux régions se caractérisent toutes deux par leur dynamisme, la région Rhône-Alpes a été la première à établir des bourses pour que ses étudiants partent à l’étranger, notamment au Québec.

L’Ecole Polytechnique est une école formatrice d’ingénieurs, un peu sur le modèle des écoles d’ingénieurs françaises, mais avec beaucoup de recherche, comme dans les universités. A travers les années, on a reçu des professeurs en sabbatique, et notamment Alain Bideau, fondateur du Centre Jacques Cartier.

Historiquement, l’Ecole Polytechnique collabore avec des institutions de la région Auvergne-Rhône-Alpes, particulièrement avec l’Université Claude Bernard – Lyon 1, l’INSA et l’Ecole Centrale de Lyon, mais également l’Ecole des Mines de St Etienne. Ces collaborations se construites au fil des années, notamment parce que nombre de nos professeurs sont français et viennent de ces écoles. Ces collaborations ont donné lieu à des échanges, d’étudiants notamment. Nous recevons beaucoup d’étudiants français, et nous envoyons également des étudiants, mais dans une moindre mesure (300 étudiants français reçus pour 30 étudiants québécois qui partent). Ces étudiants français peuvent soit rester pour une courte période, soit ils passent chez nous un double diplôme. Ce déséquilibre peut s’expliquer par l’attraction du continent nord-américain et de Montréal pour les étudiants français. La difficulté majeure pour nos étudiants, qui souhaitent partir à l’étranger, c’est la différence de système universitaire, notamment la flexibilité du système québécois, par rapport au système français.

En effet, nos étudiants sont très libres pour aménager leur emploi du temps, tout au long de leur cursus. De plus, beaucoup de nos étudiants décident de partir dans des pays non-francophones. Ceci étant, on propose à ceux qui partent un programme d’échange, avec nos partenaires, vraiment attrayant, notamment en proposant des spécialités qu’on ne trouve pas chez nous. Par exemple, l’ENTPE propose une spécialité dans les transports urbains. Un exemple encore plus précis, nous avons monté avec l’Université Claude Bernard – Lyon 1, un programme de pharmaciens ingénieurs, qui est peut être un des seuls au monde. Ce projet date d’une vingtaine d’années. Au Québec, l’étude de la pharmacie se résume à la pharmacie d’officine. En revanche, Lyon est connue pour son expertise dans le domaine de la pharmacie industrielle, avec une formation plus technique en ingénierie. Aujourd’hui, 5 étudiants français viennent terminer leurs deux dernières années d’ingénieurs chimistes – pharmaciens industriels, après deux années études en pharmacie en France. Cette combinaison est assez novatrice et répond aux besoins et intérêts de l’industrie pharmaceutique, européenne notamment.

Est-ce que le CETA permet de légitimer et de simplifier les enjeux de certifications ?

Effectivement, on avance vraiment vers une simplification du mouvement des professionnels entre la France et le Québec, bien avant l’accord Europe/Canada, malgré des enjeux toujours présent. Malgré des progrès, comme l’obligation de stage dans les professions de la santé, on observe encore des limitations, voire des restrictions. En revanche, dans le domaine de l’ingénierie, les équivalences marchent bien.

Quels aspects positifs du Québec verriez-vous se mettre en place en France et inversement ?

Outre le système éducatif plus ” pratique ” (stages, projets concrets,…) que nous offrons aux étudiants, c’est une ouverture sur la recherche, qui est peut-être un peu plus simple d’accès qu’en France. Ceci étant, je pense qu’à la fois Français et Québécois sont conscients de l’importance de la mobilité internationale d’un étudiant, même si en Europe, avec le programme Erasmus, vous semblez plus avancés dans ce domaine. C’est vraiment une grosse différence avec l’Amérique du Nord, qui a découvert cette importance à travers les projets de l’Union européenne. On souhaite donc développer la mobilité internationale des étudiants québécois.

À propos de la rétention des talents, je m’oppose un peu au Gouvernement du Québec, sur ce point de vue. Le Québec est un pays dont l’économie est tournée vers l’exportation. Ainsi, si nos étudiants, vivant à l’étranger tout en connaissant le Québec, travaillent dans ce pays étranger, c’est tout aussi important pour le Québec que s’ils étaient restés travailler ici. Exporter leurs connaissances des entreprises québécoises est une grande chance. Et à ce niveau, l’Ecole Polytechnique bénéficie du fort taux d’étudiants étrangers au Québec (en pourcentage) avec 26%-27% des étudiants, et les étudiants français forment notre plus gros contingent.

L’autre élément dans la collaboration entre le Québec et la région Auvergne-Rhône-Alpes, c’est les co-tutelles de thèses et de doctorats entre nos professeurs et les professeurs français. Ces dernières années, on a en moyenne entre 15 et 20 projets de co-tutelle par an. Par exemple, sur 4 années de doctorats, l’étudiant va passer deux années dans un laboratoire québécois et deux années dans un laboratoire français, avec ainsi deux directeurs de recherche.

Pouvez-vous définir les Entretiens Jacques Cartier en quelques mots ?

Les Entretiens ce serait plutôt trois idées. On est rendu d’abord à un volet où les collaborateurs sont devenus des amis. Les Entretiens symbolisent l’amitié, voire une grande famille. Ensuite, on pourrait parler de complémentarité. Et enfin, les Entretiens symbolisent l’ambition de nos régions. Chacune d’entre elles veut faire sa marque dans le monde. Et en plus, on ne sent pas en compétition. Et c’est pour cela que l’on est capable de s’entraider et de coopérer. Et c’est sans doute pour cela que nos deux villes sont jumelées.